Violence faite aux femmes: Devenez lanceur d’alerte.

Par le 25 novembre 2015

Ce 25 novembre 2015, Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes, nous sommes tous concernés. Décrétée par l’Organisation des Nations Unies (ONU) en 1999 elle a pour but de sensibiliser l’opinion face à ce problème. En France, une femme meurt tous les trois jours sous les coups de son compagnon.

Lorsqu’une femme est victime de violence, au sein de son couple, dans son travail ou dans la rue, elle fait souvent face au silence. Au silence des autres, de ceux qui voient mais ne regardent pas. De ceux qui entendent mais n’écoutent pas. Pourtant, chacun peut devenir un lanceur d’alerte et aider ces femmes à faire le premier pas. Il suffit de: Voir. Ecouter. Comprendre. Ne pas juger. Pour sauver.

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Chez les femmes en bonne santé, la première cause de mortalité n’est ni la cigarette, ni les accidents, c’est les coups. Selon une étude de la Banque Mondiale, le viol et la violence conjugale sont la première cause de mortalité dans le monde chez les femmes de 15 à 44 ans. La violence faite aux femmes tue plus que le cancer, les accidents de la route, la guerre et le paludisme réunis. Triste constat qui ne touche pas que les pays les plus pauvres. Il en est de même chez les Européennes. Un bilan douloureux où chacun a sa responsabilité. Le 25 novembre 2014, Ban Ki-Moon, secrétaire général de l’ONU déclarait : « Il nous incombe, à nous tous, de prévenir et de combattre la violence à l’égard des femmes et des filles, en commençant par remettre en question la culture et la discrimination qui la perpétue. »

Selon un bilan publié ce lundi par la Fédération Nationale Solidarité Femmes, le 3919, la ligne téléphonique destinée à aider les femmes victimes de violence, a traité plus de 50 000 appels en 2014, soit deux fois plus que l’année précédente. Une étude qui révèle l’importance des campagnes de communication sur les femmes victimes de violence mais aussi sur chaque citoyen, qui, à tout moment, peut devenir un lanceur d’alerte.

La seule chose à briser, c’est le silence

Aline Faucherre est psychologue clinicienne et juriste au Centre d’Information sur les Droits des Femmes et des Familles (CIDFF) de Montpellier. Le premier constat, c’est l’efficacité du 3919 (numéro gratuit et anonyme, qui n’apparaît pas sur les factures) : « ça a permis à beaucoup de femmes et de témoins de rompre le silence. » Mais le combat n’est pas encore gagné. Encore beaucoup de femmes sont dans un isolement total, en particulier les femmes issues de milieux dits privilégiés, traditionnels où le tabou est encore plus fort. « Les menaces de l’agresseur isolent la victime, ce qui fait qu’elle a du mal à aller vers les associations qui peuvent l’aider ». D’où l’importance du rôle du témoin. Qu’il soit un voisin, un ami, un membre de la famille, un collègue, un médecin, un gendarme. De témoin il peut devenir lanceur d’alerte, et sauver des vies. Mais comment ?



Je suis témoin d’une agression dans un espace public
Même si la situation reste rare, le risque de mort est bien réel. Il faut avertir les forces de police. « Comme tout citoyen, vous intervenez, sinon c’est non-assistance à personne en danger. »

Je suis témoin d’une agression dans le huit-clos conjugal
Si c’est une scène où n’il y a pas d’urgence, « le risque de s’interposer quand vous êtes un citoyen lambda, c’est que les deux se retournent contre vous. » Même si c’est délicat, « si vous entendez la scène, la première chose à faire, c’est appeler le 17. »

J’entends des bruits inquiétants mais j’ai des doutes
Tout d’abord, informez. Donner de l’information peut s’avérer plus efficace qu’il n’y paraît.« Il n’y a pas très longtemps, une étudiante est venue. Dans une cité universitaire elle entendait des bruits suspects. Mais elle ne savait pas qui. Elle est venue ici chercher des affiches avec le 3919 qu’elle a placardé dans tous les halls d’entrée. »

Une amie, une connaissance se confie à moi
Sans doute la situation la plus difficile. « Il ne faut absolument pas parler au conjoint, ça ne ferait qu’affaiblir la victime.» Ouvrir la porte, mais rester en retrait. Il faut avoir « une position d’ouverture mais très respectueuse. Souvent elle n’est prête ni à se séparer de cet homme, ni à demander de l’aide. Elle pense qu’elle maîtrise la situation, qu’elle est capable de s’en sortir toute seule. Il faut faire preuve de prudence. D’abord lui dire que vous avez été témoin, que ça s’appelle de la violence, que ce n’est pas une scène de ménage anodine. Surtout, évitez de porter un jugement sur le conjoint. Ne pas dire « c’est un salaud », etc. Lui dire que c’est défendu par la loi. Ce qui est important, pas dans l’urgence mais dans la rapidité, c’est de travailler avec elle à ce qui pourrait la protéger. Lui demander à elle quels seraient ses points de repli.
-74.jpg Est-ce qu’il pourrait y avoir un code entre elle et vous en cas d’agression. Un mot, un geste qui veut dire qu’il faut appeler la police. Ne surtout pas faire les choses à sa place, ne pas l’obliger à porter plainte et rester disponible.
» Aline Faucherre le sait, « c’est une posture frustrante et difficile». Le lanceur d’alerte doit être patient et rester aux aguets.

La psychologue raconte l’histoire d’une femme qui habitait dans un immeuble à Montpellier. Tous les indices d’un « danger de mort » étaient là. Elle l’a poussé à parler à sa voisine, et à mettre en place un code. Si elle tapait trois fois sur le mur, elle était en danger. Un soir, devant leur bébé, le mari étrangle sa femme. Grâce au code la voisine contacte les gendarmes et les pompiers, qui sauvent in extremis la femme qui ne respirait plus.« C’est clairement l’intervention de la voisine qui a sauvé cette jeune femme.»

Des professionnels formés à donner l’alerte ?

Médecins généralistes, gynécologues, policiers et gendarmes. Des corps de métiers qu’une femme violentée rencontre inévitablement. Mais des professionnels plus ou moins aptes à déceler la violence, alors qu’ils devraient être les premiers lanceurs d’alerte.

Le déficit de formation des professionnels de santé
Aline Faucherre, également formatrice auprès des professionnels de santé, milite pour que les médecins soient formés à repérer et à aider les femmes qui n’osent pas crier au secours. La psychologue déplore l’absence de questions relatives à la violence subie par la patiente lors du questionnaire habituel d’antécédents médicaux des médecins généralistes. Il suffirait de poser la question : « Avez-vous été victime de violence dans votre vie ? » « Une question très simple. », qui pourtant est rarement posée. «Les médecins traitent une sorte de dépression ou de souffrance diffuse sans poser la question de l’origine.»
Il y a 15 ans, une formation spécifique aux urgences existait en lien avec le CIDFF, pour que la victime soit prise en charge par une assistance sociale dès sa venue au service des urgences. Mais cette formation a été supprimée et confiée en interne. Malheureusement, Aline Faucherre constate que souvent, aux femmes qui se présentent aux urgences suite aux coups qu’elles ont reçu, « on ne leur pose pas la question ». Il existe des formations auprès des professionnels, mais qui restent largement insuffisantes. Les violences conjugales ne sont pas enseignées en formation initiale à la faculté de médecine. «C’est quand même très dommage de ne pas former les jeunes professionnels», déplore Aline Faucherre.

Une prise de conscience des forces de l’ordre
La juriste note une importante différence entre les gendarmes et les policiers. « Depuis 10 ans, il y a un énorme effort de formation du côté des gendarmes, avec dans chaque brigade deux référents des Violences Intra-Familiales (VIF). Deux gendarmes volontaires et particulièrement formés aux violences conjugales. Ils disposent d’une grille d’audition qui permet de donner au procureur des éléments importants pour prendre une décision.»
Mais la police, ne dispose que d’une formation en interne, jugée insuffisante par la psychologue, qui a encore des échos de plaintes mal enregistrées.

Il a lancé l’alerte

-5.png Vincent Lagalie, formateur dans un centre de formation pour adulte, est venu en aide à des femmes victimes de violence. C’est dans le cadre d’entretien avec des stagiaires qu’il a repéré les premiers signes qui l’ont alerté. « Souvent il ne s’agit que de quelques mots…. l’expression d’une difficulté familiale ou conjugale qui passe par un problème d’hygiène, de fatigue, d’un stress, d’un mal être. » Les mots finissent par se transformer en maux. Lorsque les langues se délient, Vincent explique à la personne ce qu’est le CIDFF, lui dit qu’il va les contacter et lui propose de la mettre en relation avec la structure, afin de faciliter sa démarche.
Comment réagit la personne ? « Par l’étonnement d’abord que l’on puisse lui proposer un accompagnement, puis un soulagement et des remerciements.» Vincent note l’importance d’agir vite, surtout lorsqu’il y a urgence et assure à la personne concernée la rapidité de la prise en charge. Il se fait alors le relais, souvent nécessaire entre la victime et les professionnels. Il déclenche la prise en charge simplement en écoutant et en informant.

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