À Castelnau-le-Lez, les jeunes « boitent » pour Alain Juppé

Par le 14 novembre 2016

Il pourrait être leur grand-père, mais ils préfèrent Alain Juppé à Bruno Le Maire ou Nathalie Kosciusko-Morizet, pas encore cinquantenaires. Malgré son âge avancé, l’ancien premier ministre est activement soutenu par des jeunes héraultais.

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Sur la place Mendès France de Castelnau-le-Lez, à quelques mètres de l’hôtel de ville, une seule vitrine diffuse de la lumière. Il est 19h30, des militants s’activent dans la permanence parlementaire de Jean-Pierre Grand. Le sénateur-maire (LR) du cru supporte désormais Alain Juppé à la primaire de la droite et du centre, après avoir été un anti-sarkozyste de choc sous la houlette de Dominique de Villepin. Les soutiens de l’ancien premier ministre, 71 ans cette année, s’activent autour de Montpellier, y compris parmi les jeunes militants. « Ce n’est pas contradictoire d’être jeune et de soutenir Juppé, affirme Marine, 28 ans, militante depuis 2007. Il a une image de papy, plus rassembleur et plus rassurant que Nicolas Sarkozy. »

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Sur la table, les prospectus entourent les bières et les pizzas. Ce soir d’octobre, les « Jeunes avec Juppé » se préparent à un « boitage ». En langage militant, distribuer des tracts dans les boites aux lettres. « C’est le moyen le plus sûr pour que les gens aient le message », assure Romain, qui participe à sa troisième campagne présidentielle depuis 2002. « Je suis un « plus trop jeune » », assume-t-il en souriant. « Pour nous, jeune c’est jusqu’à 30 ans. Mais il n’y a pas de règle dans le parti, explique Marine. Alain Juppé a besoin des jeunes. S’il est élu, il ne fera qu’un seul mandat. Il a besoin qu’il y ait un renouvellement de la classe politique derrière lui. » Au-dessus du bureau où s’accumulent les piles de prospectus siglés « Jeunes avec Juppé », le général De Gaulle toise la pièce depuis la bibliothèque de l’Élysée.

« La primaire attire les jeunes »

Ouvrir le tract du candidat, insérer l’adresse des deux bureaux de vote de Castelnau-le-Lez, refermer le tract, recommencer. Il faut préparer au moins 400 prospectus. « Dans notre comité, on est une vingtaine de sympathisants et sept ou huit militants actifs, déclare Cédric, 26 ans et animateur de la page Facebook « Les jeunes de l’Hérault avec Juppé ». On a même des jeunes de 18, 19 ans qui sont attirés par le personnage. » Parmi eux, certains sont déjà des professionnels de la politique, élu local ou attaché parlementaire. Ce soir-là, un renfort est accueilli avec plaisir par le trio de militants. Rémi, 20 ans, est encarté UDI fraichement arrivé à Montpellier. L’Union des démocrates et des indépendants a officialisé son soutien à Alain Juppé le 12 octobre. Un rapprochement entre jeunes juppéistes et jeunes centristes héraultais est en projet.

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« La primaire attire les jeunes, confie Marine. Il y a un côté très démocratique et nouveau qui plait. Ils se sentent plus concernés que pour une élection classique où le candidat est en quelque sorte imposé. » Pourtant, les jeunes militants visent peu leur génération. Pas de propagande « jeune » spécifique, ni d’actions ciblées localement. Ce soir-là, ils ont choisi de « boiter » dans un quartier pavillonnaire des hauteurs de Castelnau-le-Lez. « On sait que la droite a fait un bon score aux bureaux de vote du secteur, explique Marine, mais à terme on va faire tout Castelnau. »

Garder des forces

Après quelques minutes de voiture, ils se séparent en deux équipes pour distribuer leur propagande. Le matériel du bon militant : pile de tracts, carte du secteur et feutre rose fluorescent pour marquer les rues parcourues. Sous la nuit claire, l’ambiance est détendue. « On est en famille », dit Marine en glissant un tract dans une boite aux lettres. La conversation passe de la performance d’Alain Juppé à l’Émission politique de France 2 à la série Game of Thrones sans difficulté. Marine et Cédric ont trouvé leur candidat convaincant sur France 2, malgré des questions sur son passé judiciaire. Alain Juppé est le seul candidat de la primaire à avoir été condamné et pas seulement mis en examen. En 2004, il est condamné à 14 mois de prison avec sursis et un an d’inéligibilité dans l’affaire des emplois fictifs de la mairie de Paris. « Du réchauffé », selon Marine. Cédric enchérit en citant le candidat, qui a déclaré « qu’en matière judiciaire, il vaut mieux avoir un passé qu’un avenir. » Une pique lancée à son principal adversaire, l’ex retraité de la politique Nicolas Sarkozy mis en examen dans les affaires Bygmalion et Paul Bismuth.

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Entre les casseroles judiciaires et le virage à l’extrême-droite de sa campagne, l’ancien président rebute les jeunes juppéistes. « Sarkozy est très proche du FN aujourd’hui, trop proche, dit Marine. Il a détruit l’UMP. Juppé va réintégrer le centre. Il veut rassembler, il rassure, surtout les jeunes. » Pourtant, si l’ancien président l’emporte, elle n’exclut pas de participer à sa campagne. « Après la primaire, l’important sera de faire gagner le parti. Je suivrais le chef, mais je serais surement moins engagée dans la campagne. »

La fraicheur et l’heure tardive ne découragent pas les militants. « Bien sûr, Alain Juppé n’est pas parfait, poursuit Marine en nourrissant les boites aux lettres de tracts. Il a l’âge qu’il a, mais ce ne sera pas le premier président âgé. Regardez Mitterrand et Pompidou. » « C’est le candidat le moins clivant de la primaire, détaille Cédric. Il ne joue pas sur la fibre identitaire, ça c’est pour les vieux, les jeunes s’en foutent. Regardez le vote du Brexit, les vieux ont voté en masse. Les jeunes veulent qu’on leur parle emploi, opportunités, avenir. Et ça, Juppé le fait. » Sur la carte, le quartier est couvert de rose, les tracts bleus sont dans les boites aux lettres. 23h, il est temps de rentrer. Les militants veulent garder des forces pour défendre le candidat jusqu’au 20 novembre, voire – ils l’espèrent – jusqu’au 7 mai.

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