Camus en pleine lumière

Par le 17 décembre 2007

Le théâtre Pierre Tabard a rendu en novembre dernier un très bel hommage à Albert Camus en programmant « L’Etranger », roman paru en 1942. L’étranger, c’est Meursault, personnage mystérieux et anti-conformiste. « Jouer Meursault, c’est pour moi combler l’immense dette que l’on doit à Camus » explique le comédien Pierre-Jean Peters. « Son humilité, sa modestie, sa retenue par rapport aux choses nous manquent cruellement. C’est un honneur de jouer Camus chaque soir ». Pierre-Jean Peters, accompagné au violon par Bertille Fraisse, cherche à percer un peu plus à chaque représentation ce mystère que représente Meursault. Celui-ci prend des bains de mer, étreint Marie et regarde un film comique au cinéma le lendemain de l’enterrement de sa mère. Il commet un meurtre dont il s’explique devant les juges en invoquant le soleil et le hasard. Se sachant condamné à mort, il refuse de se faire absoudre par l’aumônier qui ne peut que constater son échec face à cet être indifférent à toute morale. Figure de l’Antéchrist donc. Et pourtant, de tous les personnages, Meursault semble être le plus vivant. Cette impression est renforcée par la mise en scène de Avner Perez. Les autres protagonistes esquissés par Pierre-Jean Peters, agités et nerveux, tranchent avec la placidité de Meursault. Ils endossent des rôles sociaux, directeur d’asile ou concierge. L’aumônier, l’avocate et le procureur sont quant à eux réduits à des voix ou des mannequins. Tristes pantins. Meursault, personnage solaire, demeure absolument seul face au monde et à lui-même. Représentatif de l’homme absurde peint par Camus dans le « Mythe de Sisyphe », il incarne cette confrontation entre l’appel humain et le silence déraisonnable du monde. Le spectacle est constamment habité par cette inquiétante étrangeté. L’absurde surgit à tout moment : de la répétition de phrases insignifiantes, de mouvements saccadés qui transforment les personnages en machines ; du va et vient constant entre la beauté des morceaux de violon et l’ennui profond éprouvé par Meursault, parfois entrecoupé de cris de révolte.

Adapter le roman de Camus au théâtre constituait un véritable challenge pour Avner Perez, Pierre-Jean Peters et Bertille Fraisse. Cela donne la chance au spectateur de redécouvrir toute la force poétique et la portée philosophique du texte. Le défi est relevé avec brio.

Jérôme NYS

04 67 16 28 82
Théâtre Pierre Tabard
7 rue Ferdinand Fabre
Montpellier

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