Contrôleur du travail : un métier à risques

Par le 25 novembre 2008

Christophe Rault, tout juste promu contrôleur du travail à Dijon, nous évoque sa profession et les difficultés qu’il connaît. De l’indépendance aux pressions exercées, il tente de se frayer un chemin dans le métier avec passion et aussi avec raison. Rencontre.

Code_du_travail_2008.jpg

Premièrement, pouvez-vous revenir sur votre parcours universitaire ?

J’ai tout d’abord suivi des études d’histoire à l’université de Rennes 2, jusqu’à l’obtention d’un Master Recherche. Faute de débouchés professionnels suffisants dans ce domaine, j’ai ensuite intégré l’IPAG de Rennes (Institut de Préparation à l’Administration Générale) en vu de diversifier mon parcours universitaire. J’y ai obtenu une Licence d’Administration Publique et découvert les métiers de l’inspection du travail.

Quelle préparation avez-vous effectuée pour obtenir un concours jugé difficile ?

Il est vrai que l’obtention d’un concours nécessite, quel qu’il soit, une préparation spécifique. La formation dispensée à l’IPAG de Rennes m’a évidemment permis d’acquérir un certain nombre d’automatismes, notamment s’agissant de la dissertation de culture générale. Le reste de la préparation relève toutefois du travail personnel. Par exemple, j’ai dû découvrir par moi-même les rudiments du droit du travail, n’ayant jamais reçu d’enseignements dans ce domaine. Cela nécessite une certaine rigueur.

Quelles sont vos motivations au quotidien à exercer une profession parfois mal aimée ?

Je tenais absolument à exercer une activité de service public. Le monde du travail est réellement très difficile, de nombreuses pressions s’y exercent quotidiennement. Généralement, lorsque l’on fait appel à l’inspection du travail, c’est que l’on estime se trouver dans une situation d’urgence. Les agents de contrôle du ministère du travail répondent ainsi à de véritables attentes auprès des usagers.
Par ailleurs, j’ai tout de suite été attiré par le côté très concret du métier. En effet, nous sommes amenés à exercer nos compétences au sein même des entreprises ou sur les chantiers. Sans être des experts dans tous les domaines, nous acquérons rapidement de larges connaissances professionnelles. Par exemple, pour pouvoir intervenir auprès d’un menuisier, nous devons nécessairement connaître ses machines, son vocabulaire, ses contraintes. L’ennui est donc inexistant.

Comment percevez-vous l’évolution de votre profession ?

Le ministère du travail et plus généralement l’ensemble de la Fonction Publique d’État est en pleine révolution. Les termes de réduction des gaspillages ou de meilleure allocation des ressources publiques ont fait leur apparition avec la RGPP (révision générale des politiques publiques). Dès le 1er janvier 2009, certains services relevant de ministères distincts vont fusionner au sein de structures uniques. Ces changements entraînent nécessairement une foule d’interrogations.
S’agissant plus spécifiquement des métiers de l’inspection du travail, l’approche quantitativiste semble de plus en plus valorisée. Bien entendu, je n’ai pas encore suffisamment de recul pour pouvoir juger cette évolution.

Quelle place laissez-vous aux émotions ?

Le facteur humain est prépondérant dans ce métier. De nouveau, il est encore trop tôt pour savoir comment j’intègrerai cette spécificité. Chaque contrôleur réagit différemment. Il convient nécessairement de faire preuve d’une certaine empathie envers des populations souvent en grande difficulté (conflits sociaux, licenciements, harcèlement moral ou sexuel, etc). De plus, il est rare que nous intervenions dans des situations pacifiées. Toutefois, l’agent de contrôle se doit de faire appliquer le droit du travail et donc de rester neutre face à tous ces cas. Il me semble important de ne pas prendre parti afin de donner les meilleurs renseignements possibles.

La Presse évoque régulièrement l’indépendance du métier. Qu’en est-il exactement ?

Traditionnellement, les inspecteurs et contrôleurs du travail jouissent d’une grande indépendance. Les agents de contrôle tiennent absolument à maintenir cette spécificité consacrée par la Convention 81 de l’OIT. Par exemple, ils fixent eux-mêmes leurs programmes de contrôle et décident des suites à donner à leurs visites. Il bénéficient également d’un statut particulier grâce à la reconnaissance du délit d’outrage. D’une manière générale, cette indépendance semble communément admise tant du point de vue des usagers que de la hiérarchie.

Quel avenir voyez-vous pour la profession ? Et votre situation actuelle vous permet d’elle d’évoluer ?

La réponse classique consisterait à évoquer le concours d’Inspecteur du Travail (catégorie A). J’aurais la possibilité de passer celui-ci en interne au bout de quelques années au sein des services. Pour le moment, ma priorité est de bien apprendre mon métier et d’exercer une véritable activité de proximité.
S’agissant de la mobilité géographique, la Fonction Publique d’Etat m’offre la possibilité de découvrir de nouveaux services et surtout de nouvelles régions au gré des mutations. Bien que je sois tout à fait heureux de ma situation actuelle, je suis ouvert à cette éventualité sous réserve qu’elle soit adaptée à ma vie personnelle.

Pour finir, les pressions existent-elles ? Pouvez-nous donner des exemples ?

Certes, le métier de contrôleur peut parfois être mal perçu, notamment auprès des employeurs. Le meurtre de deux contrôleurs du travail en 2004 rappelle la dangerosité potentielle d’une telle activité. Au passage, ce terrible drame a profondément marqué la profession et l’a ressoudé autour des mêmes valeurs.
Il serait toutefois absurde de vouloir généraliser une telle situation. La plupart du temps, les agents établissent un dialogue constructif avec leurs interlocuteurs. Leurs attributions sont tout à fait respectés et leurs avis pris en compte. Il me semble important de maintenir cette situation de partenariat.

Catégorie(s) :

Vous avez aimé cet article ? Partagez-le !

à propos de l'auteur

Auteur : Marion Grenes

Un Master Humanitaire à Aix en Provence en poche et une brève passade aux Pays Bas, direction Montpellier pour le Master Journalisme. Une pause cependant cette année, avec un remplacement de journaliste au Télégramme de Brest. Une révélation pour moi qui souhaitais acquérir des bases dans un métier idéalisé depuis bien longtemps. Mes expériences passées m’ont également permis d’écrire pour le magazine Kinés du Monde et d’exercer au sein du service presse de la Fondation de France. Une activité touche à tout particulièrement formatrice. J’attends du Master un enseignement riche et de belles rencontres, me faire une petite place un jour dans une rédaction où les mots se conjuguent avec déontologie et respect d’autrui.