Coup de chaud sur le vin bio

Par le 25 janvier 2016

Le réchauffement climatique impacte depuis plusieurs années la vigne et donc la production du vin. Emmanuel Cazes, responsable technique du Domaine Cazes en Roussillon, l’un des plus grands domaines de France en biodynamie, dresse un état des lieux.

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À l’image de la fonte des glaces, les vignes sont un bon indicateur du réchauffement climatique. La hausse des températures a un impact direct sur la qualité du vin. Pour un expert tel que Emmanuel Cazes, responsable technique du Domaine Cazes en Roussillon, l’aspect physiologique de la vigne est modifié : « Les raisins contiennent plus de sucres, le vin est plus concentré, donc le degré alcoolique est plus élevé. Les vignes souffrent de la chaleur. Si on n’a pas les moyens d’irriguer, la vigne aura plus de difficulté à vivre et à s’adapter. C’est la pérennité du vignoble qui se réduit au final

Autre conséquence majeure du réchauffement, la durée de vie des vignes se réduit considérablement, selon Emmanuel Cazes : « Une vigne a 25 ans d’existence aujourd’hui, alors qu’auparavant elles pouvaient atteindre 70 ans.» Les bouleversements de température de ces dernières années ont également modifié des habitudes ancestrales pour produire le vin : « Avant on vendangeait mi-septembre, aujourd’hui c’est mi-août. Il y a un décalage des saisons. La pluviométrie baisse et les pics de chaleur augmentent ». Mais le pire pour les vignerons est sans doute à venir : « Le changement de climat impacte sur le rendement. Plus il fait chaud, moins il y a de production. Il faudra repenser le modèle économique et baisser le rendement de certains vignobles », constate-t-il avec amertume.

Une adaptation echelonnée

Pour faire face au réchauffement, Emmanuel Cazes, à l’instar d’autres viticulteurs, a été contraint de s’adapter. Sur son domaine, il a développé une stratégie en trois temps : «À court terme, il faut privilégier l’irrigation et réfléchir aux charges. Concernant la surface végétale, on regarde le nombre de feuilles que l’on va laisser pour le bon épanouissement de la vigne par exemple. À moyen terme on va travailler sur l’implantation des parcelles, la quantité des pieds que l’on va mettre. Enfin, à long terme, on réfléchit à la manière d’adapter les cépages du sud qui supportent mieux la sécheresse. Au final, dans le sud de la France le vin va devenir un produit de luxe rare qu’il faudra préserver. C’est tout le système qu’il faudrait revoir… »

À l’entendre, la production de vin bio réclame donc encore davantage d’adaptations pour améliorer la qualité de la terre afin de pérenniser les vignes, les vignerons et leur domaine. Pour rappel, le vin bio est un vin naturel élaboré à partir de raisins issus de l’agriculture biologique. La différence avec un vin dit « classique », c’est l’exigence. Le vigneron vinifie son vin sans additifs : moins de produits chimiques et un traitement différent.

Le choix du bio : un acte citoyen

Pour Emmanuel Cazes, choisir de faire du bio résulte en grande partie d’une démarche citoyenne : « Le bio permet de garantir la qualité des nappes phréatiques, la diminution des résidus dans les sols et la biodiversité des parcelles. » Outre cet « acte citoyen », c’est un choix d’homme, de transmission : le domaine Cazes est le fruit d’un travail sur plusieurs générations. Les sols, les vignes et les ressources doivent être en bonne santé. « Le bio nous permet d’exprimer un terroir, une origine, j’ai envie que le vin soit à mon image. Il nous donne cette garantie ».

Le responsable technique du Domaine Cazes regrette pourtant le faible pourcentage de viticulteurs bio. Selon lui, «c’est une fois que la pratique bio sera généralisée qu’elle aura un réel impact sur l’environnement parce qu’elle limitera certaines pollutions et résidus dans le vin». Un cercle vertueux qui, à terme, permettra de participer à la stabilisation du réchauffement climatique.

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à propos de l'auteur

Auteur : Jonathan Rodriguez

Né en terre Montpelliéraine, le journalisme m’est toujours apparu comme une évidence. Les notions de partage et de curiosité m’ont constamment accompagné dans mon développement. Rendre compte du monde qui nous entoure est mon leitmotiv. Passionné par le cinéma depuis le plus jeune âge - où les douces images de Terrence Malick m’ont bercé – ainsi que par le sport et sa ferveur enivrante, le journalisme me permet à travers ses formats divers et variés de transmettre ses passions, les faire vivre et c’est ce qui est le plus important. La transmission. Ma formation en science politique m’a également permis d’accentuer mon attrait pour la politique, les relations internationales et les questions sociétales. Du nécessaire Mediapart, au collectif revigorant So Press en passant par l’indispensable Monde Diplomatique, toutes ses inspirations me façonnent au quotidien et me confortent un peu plus chaque jour dans mon envie d’être un journaliste. Je me bats pour un journalisme citoyen, ludique, intelligent et accessible. « A quoi est supposé servir un journaliste, selon les canons d’une tradition qui unit règles professionnelles et principes politiques ? Tout simplement à apporter aux gens les informations dont ils ont besoin pour être libres et autonomes. » Edwy Plenel