Dieu n’est toujours pas mort

Par le 14 décembre 2007

A la fin du XIXème siècle, Nietzsche annonçait triomphalement la mort de Dieu. Et pourtant ses fantômes ne cessent de hanter l’époque actuelle. Nous nous sommes par exemple fait une nouvelle religion du progrès au grand dam de notre chère planète Terre. Dans son « Petit traité de la décroissance sereine », Serge Latouche appelle les citoyens à abandonner leur croyance au progrès. En témoigne sa définition de la décroissance: « ce n’est pas la croissance négative. Il conviendrait de parler d’ « a-croissance », comme on parle d’athéisme. C’est d’ailleurs très précisément de l’abandon d’une foi ou d’une religion (celle de l’économie, du progrès et du développement) qu’il s’agit ». La religion de la croissance a d’une certaine manière supplanté la croyance en Dieu dans la société occidentale. Il faut posséder toujours plus, amasser des objets vite périmés, alimenter jusqu’à plus soif le cycle infernal de la consommation. Les décideurs ne jurent que par la croissance dont l’indice est le fameux « moral » des ménages. Or, « pour vivre mieux, il s’agit désormais de produire et de consommer autrement, de faire mieux et plus avec moins, en éliminant pour commencer les sources de gaspillage et en augmentant la durabilité des produits » écrivait déjà André Gorz en 1991 (1). La question des valeurs est donc centrale dans le combat mené par les écologistes pour sortir notre planète de la catastrophe annoncée. Il est difficile d’imaginer une société de décroissance fonctionnant avec des individus qui resteraient façonnés par le mode de vie de la société de consommation. Des acheteurs compulsifs captivés par la publicité. C’est tout le mérite du Grenelle de l’environnement lancé cet automne d’avoir contribué à sensibiliser encore davantage l’opinion publique à l’urgence de la situation. Mais cela sera-t-il suffisant ? Est-ce seulement possible pour une civilisation de changer aussi rapidement de cap ? Désabusé, le naturaliste Yves Paccalet jette l’éponge dans « L’humanité disparaîtra, bon débarras ! » après s’être battu pendant trois décennies pour changer les mentalités. Il dresse dans ce livre provocateur un véritable réquisitoire contre l’humanité à l’image des titres de chapitre « Un barbare à deux pieds sans plumes », « Quelque chose en nous d’un peu nazi » ou « Ah ! Dieu que la guerre est jolie… ». En conclusion, il en appelle malgré tout à l’utopie de Mai 68 selon laquelle la croissance indéfinie est impossible sur une planète aux ressources limitées : « il vaudrait mieux chercher la solution dans une « croissance zéro », tempérée par une plus juste répartition des richesses (…) Nous ne nous en tirerons que par la vertu d’une décroissance raisonnable. Sauf que c’est impossible, parce que personne n’en veut. » Pessimisme, quand tu nous tiens…

(1) « Capitalisme, socialisme, écologie », André Gorz, coll. Galilée.
« Petit traité de la décroissance sereine », Serge Latouche, coll. Mille et une nuits.
« L’humanité disparaîtra, bon débarras ! », Yves Paccalet, coll. J’ai lu.

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