Fumer ne tue pas

Par le 13 janvier 2009

Le 1er janvier 2008, le narguilé devenait illégal. Un an plus tard, reportage entre les volutes de fumées fruitées de « L’Enchanthé », dernier survivant de l’hécatombe de la pipe à eau orientale à Montpellier.

Il existe à quelques pas de la rue de la Loge, placée timidement entre deux brasseries de la place Jean Jaurès, une ruelle sillonnante que l’on nomme « Petite Loge ». Dans ce chemin de bitume, une adresse fait figure de maquisard. « L’Enchanthé ». On s’assoit à même le sol, on y fume le narguilé, on y boit un coup. L’ambiance est étudiante, conviviale et rock. Et pourtant, après l’interdiction totale de fumer dans les lieux publics au 1er janvier 2008, « L’Enchanthé » fermait ses portes deux mois durant. Daniel Pierre-Laurent, employé enchanté, raconte : « Nous sommes les seuls sur Montpellier à proposer encore du narguilé de manière tout à fait légale. Après deux mois de fermeture, nous nous sommes reconvertis en association privée. Inutile de vous dire qu’il était difficile d’obtenir toutes les autorisations en Préfecture« .

Le concept nouveau de « L’Enchanthé » : une adhésion, une carte de membre à vie pour 4 petits euros. Seuls les membres peuvent consommer, fumer. Et une reconversion : « Depuis la réouverture, nous nous proposons désormais comme débit d’alcool, en plus des narguilés« . Réfléchi, Daniel ne remet pas en cause la loi, mais tempère : « C’est une bonne loi. Il fallait la faire. Mais ils auraient dû faire des dérogations. J’ai entendu dire que du côté de Marseille, des commerçants brandissaient des pancartes « Sarko, laisse-nous bosser ! ». Renaud, le patron, a même écrite une lettre au ministre de la Santé. Sans retour« .

Daniel admet, lucide, « que les premiers mois étaient difficiles« . « En tant qu’association, on ne peut pas faire de publicité. Tout est passé par le bouche-à-oreille, ou des réseaux comme Facebook et les blogs. Mais depuis cet été, les affaires remarchent plutôt bien« . Mais tous n’eurent pas le courage de cette reconversion. Fin 2007 et début 2008, le « Butterfly » et le « Shandra », deux institutions à Montpellier, mettaient la clef sous la porte, conscients qu’ils ne pouvaient plus vivre d’une activité principale devenue illégale. Ni public, ni privé, « entre les deux« , comme l’affirme Daniel, « L’Enchanthé » a réussi à légaliser un commerce qui ne demandait qu’à partir en fumée il y a un an.

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à propos de l'auteur

Auteur : Mathieu Martiniere

Basé à Lyon, indépendant depuis 2011, Mathieu Martiniere travaille sur des enquêtes et des reportages au long cours pour des médias français ou européens, comme Mediapart, Slate, La Cité, Libé, La Tribune de Genève ou RFI. Il est le cofondateur en 2014 de We Report, un collectif international de journalistes indépendants, qui réalise des enquêtes long format et multimédia. Prix : Bourse Netzwerk Recherche 2015 de la fédération allemande des journalistes d’investigation, avec Robert Schmidt, pour son travail sur l’industrie du tabac. Prix international DevReporter 2015, avec Alberto Campi et Daphné Gastaldi, pour des reportages sur les Roms en Roumanie et Slovaquie. Contact : mathieu[@]wereport.fr // Twitter : @Mat_Marty