La Chine est réveillée. Et après ?

Par le 8 février 2008

En 1978, la politique de « réforme et d’ouverture » établie par Deng Xiaoping est l’élément déclencheur du développement chinois. L’Empire du milieu devient alors l’atelier du monde, ce qui lui ouvre les portes de l’OMC (Organisation mondiale du commerce) en 2001.
Cette expansion économique est apparemment loin de s’arrêter puisqu’en 2006, la Chine a enregistré une croissance de 10,7%. Un taux qui fait d’elle l’acteur principal de la mondialisation. C’est en effet avec un pragmatisme légendaire et ses propres méthodes que le pays a su s’imposer dans ce monde multipolaire. Pour autant, plusieurs éléments freinent encore la Chine dans son ascension vers le titre de pays développé.

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images-1.jpgLe monde bipolaire de la guerre froide a laissé place au monde multipolaire de la globalisation. Dans ce nouveau cadre géopolitique, la Chine essaie de s’imposer. Ainsi, en 2005, elle était encore dépendante de ses exportations et affichait un excédent commercial (3% de son PIB).
Aujourd’hui, deux données indiquent sa place prédominante dans la mondialisation. La première est l’apparition d’un patriotisme économique. De nouvelles lois viennent d’abolir les privilèges des entreprises étrangères en matière d’impôts, et ces dernières éprouvent de plus en plus de difficultés à intégrer le marché chinois. Ce patriotisme indique que la Chine a atteint un niveau de développement tel qu’elle n’a plus besoin de faire appel aux entreprises étrangères pour apporter des capitaux. Le dernier exemple est celui des deux plaintes déposées par les Etats-Unis devant l’OMC, dont l’une portant sur les obstacles posés à l’importation des produits culturels.
La seconde est l’ouverture de l’Empire du milieu à de nouveaux marchés industriels, comme les technologies de l’information (55% du marché mondial des ordinateurs portables, 20% des microprocesseurs, deuxième marché du monde en matière de haute technologie derrière les Etats-Unis) ou le secteur de la recherche et du développement.

Outre les échanges commerciaux, la Chine s’impose également sur la scène internationale par son rôle diplomatique. Sa stratégie, dite de « diplomatie asymétrique », fut largement orientée par les attentats du 11 septembre 2001. Elle a ainsi adopté le statut de « société harmonieuse », misant tout sur une politique de stabilité. C’est pourquoi elle a décidé de mener un combat contre « les trois forces du mal » que sont le terrorisme, l’extrémisme, et le séparatisme. Pour mener cette lutte, elle n’hésite pas à développer son influence asiatique, en nouant de nombreux partenariats, comme l’Anase (Association des Nations d’Asie du Sud-Est) . Elle n’hésite pas non plus à s’imposer sur la scène internationale, et à faire revenir la Corée du Nord à la table des négociations. Enfin, elle accroît son importance diplomatique par le biais des ressources énergétiques. En témoigne sa participation au sein de l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS, avec la Russie, le Kazakhstan, le Kirghizstan, le Tadjikistan et l’Ouzbékistan), qui l’approvisionne en hydrocarbures.

De bonnes stratégies commerciales et diplomatiques ont permis à la Chine de prendre une place importante sur la scène internationale. Mais cette ascension, réalisée en un temps record, n’est pas sans conséquence. S’il veut continuer son essor, le pays devra prendre en compte non seulement la question environnementale, mais aussi les attentes de sa population.

Le boom économique de la Chine est dû à son énorme capacité de production. Mais cela a entraîné une grave crise écologique et le bilan est aujourd’hui lourd. La chine serait la « championne » en matière de production de gaz à effet de serre. Le niveau de pollution du fleuve jaune a doublé, le pays figure dans le trio de tête des pays du monde les plus affectés par les pluies acides, et en 2006, un accident écologique s’est produit tous les deux jours en moyenne.
Ces problèmes environnementaux limitent fortement le développement économique et social d’un pays. En 2004, les pertes financières causées par la pollution dans l’ensemble du pays se sont élevées à 512 milliards de yuans (3,05% du PIB). C’est pourquoi le gouvernement adopte actuellement de nouvelles orientations. Ainsi, les mesures draconiennes prises par le ministre de l’environnement, Pan Yue, gèlent les projets qui violent les normes environnementales. Ce qui permet, par ailleurs, un meilleur contrôle de la macroéconomie.

L’enjeu social. La marchandisation du travail a provoqué de nombreuses pertes d’emploi ainsi qu’un problème des reconversions. Ainsi, entre 1998 et 2003, de 40 à 60 millions de personnes se sont retrouvées au chômage alors qu’auparavant, le travail était garanti à vie.
Cela a fait apparaître également une société de classe. La nouvelle classe moyenne est celle qui profite de l’apparition de grandes enseignes occidentales, comme Zara ou H&M. Pour répondre aux attentes de cette nouvelle société, le gouvernement doit réagir. C’est pourquoi il vient d’adopter une loi garantissant le droit à la propriété privée. Cela présente l’avantage de « fixer les intérêts des travailleurs et entreprises, et de promouvoir le développement des forces productives de la société ».
Reste qu’avec de telles évolutions, le peuple aspire également à plus de démocratie et donc, à une représentativité politique. Comme l’estime Li Fan, directeur de l’Institut de recherche pékinois Le Monde et la Chine, « c’est bien par des avancées du système électoral que doit passer le développement de la démocratie en Chine, (…) de là découlera l’amélioration du système politique dans son ensemble, ainsi que le progrès de la démocratie ».

La Chine vient de réaliser sa première révolution industrielle, et est en train de réaliser sa révolution sociale. Elle doit maintenant « inventer ses propres valeurs », améliorer les conditions de vie de sa population, affronter de nouveaux problèmes écologiques et énergétiques.
L’Empire du milieu est donc bien réveillé, mais il doit gérer de nouveaux enjeux dont seuls les résultats lui permettront d’atteindre le statut de pays développé.

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à propos de l'auteur

Auteur : Carol Ann O'Hare

Après un master de neurosciences et une formation en correction, je me lance avec curiosité et passion dans le journalisme. J’aime la culture scientifique et désire la partager ; apprendre à vulgariser l’information sans en perdre la « substantifique moelle », intéresser les lecteurs aux techniques et concepts avec précision et justesse, rendre un sujet complexe abordable : voilà ce à quoi j’ambitionne.