La certification, c’est bien bio, mais…

Par le 21 janvier 2015

Deux logos verdoyants et esthétiques pour indiquer les produits bio : Le fameux « AB », créé en 1985 par le ministère de l’Agriculture et « l’Eurofeuille », issu des institutions de l’UE. Gros plan sur les réglementations qui « garantissent » le vin bio.

Extrait de la fiche technique Ecocert sur la vinification en agriculture biologique

1er juillet 2010, Bruxelles lance «Eurofeuille». Avec ce logo pastel étoilé, l’Union Européenne souhaite «assurer aux consommateurs des produits obtenus en parfaite conformité avec les règles strictes de l’UE en la matière. Avec à la clé deux règles principales: « L’obligation d’indiquer le lieu d’origine des ingrédients du produit et la nécessité de stipuler le code de l’organisme chargé des contrôles. » Le vin n’est alors pas encore directement concerné. Il faudra attendre le 8 février 2012 et l’adoption du texte réglementaire sur la vinification biologique par la Commission Européenne.

Ces règles de vinification bio s’appliquent depuis le 1er Août 2012 et donnent désormais la possibilité d’utiliser la mention « Vin Bio » et le logo bio européen. Loïc Papin, animateur-coordinateur pour l’association Civam Bio 34 le rappelle : « Les vins produits avant le 1er Août 2012 peuvent toujours être étiquetés avec la mention vin issu de raisin bio. Les vins produits après le 1er Août 2012 doivent obligatoirement respecter les nouvelles règles sur la vinification bio pour être valorisés en bio. La mention utilisable sur l’étiquette est «vin biologique» en plus du logo européen.»
Par conséquent, les vins produits après le 1er août 2012 non conformes aux nouvelles règles de vinification bio ont été immédiatement mis hors jeu et déclassés en tant que produits conventionnels.

«Eurofeuille» et « AB » : quelle différence ?

Mentions obligatoires pour l’étiquetage des vins bio Devenu obligatoire le 1er juillet 2010 sur les étiquetages des produits alimentaires préemballés dans l’UE, c’est l’Eurofeuille qui doit désormais capter les regards. Seul ce logo garantit l’application du cahier des charges auquel la Commission européenne a accordé son feu vert. En ce qui concerne l’agriculture biologique globale, le logo européen peut être appliqué sur les produits qui « contiennent 100% d’ingrédients issus du mode de production biologique ou au moins 95% de produits agricoles biologiques dans le cas des produits transformés.» Malgré cette européanisation des règles du jeu pour les producteurs bio, la mentalité des consommateurs peine à muter. Car paradoxe, le logo AB, désormais facultatif, reste paradoxalement ancré dans l’esprit des français.

D’après le baromètre CSA/Agence Bio de l’année 2012, 80% des consommateurs français utilisent encore le logo AB comme un repère. Il reste de fait un élément déterminant pour l’achat de produits biologiques. Ce que confirment Joël Antherieu et Edith Bez, vignerons indépendants à Murviel-lès-Montpellier (Hérault), aujourd’hui certifiés bio : « Pour le consommateur français, cela reste un repère, mais dans les années à venir le logo AB devrait petit à petit s’estomper pour que l’Eurofeuille prenne pleinement sa place. » À la fête des vignes, le 22 novembre réunissant viticulteurs et grand public à Montpellier, le logo AB se distinguait sur la bâche de leur stand, l’Eurofeuille se faisant plus discret.

Organismes certificateurs : garants de la législation

Pour commercialiser des produits issus de l’agriculture biologique, tout opérateur (qu’il soit producteur, préparateur, distributeur ou importateur) doit avoir été contrôlé par un organisme certificateur agréé par l’Institut National de l’Origine et de la qualité (INAO) et disposer des certificats correspondants. À ce jour, huit organismes sont agréés pour le contrôle des produits biologiques en France : Ecocert France, Agrocert, Certipaq Bio, Bureau Veritas – Qualité France, Certisud, Certis, Bureau Alpes Contrôles et Qualisud.

Parmi cette myriade d’organismes, Ecocert, créé en 1991 , resterait aujourd’hui le plus sollicité des producteurs. « Sa mission est de contrôler la bonne application du règlement européen dans l’agriculture, chez les producteurs et transformateurs alimentaires qui décident de se conformer au règlement européen » précise Julie Basdevant, responsable communication du groupe. Si ce dernier est respecté, la certification bio est alors attribuée, et autorise de facto la mention « Agriculture Biologique » désormais synonyme d’Eurofeuille. Joël Antherieu fait parti des vignerons certifiés par Ecocert. Deux contrôles par an ont lieu sur place, dans son exploitation de Murviel-lès-Montpellier, ce, de manière inopinée.

La vinification : un passage obligatoire aux intrants œnologiques

Les dosages de SO2, ou plus communément les sulfites, sont un intrant essentiel pour la fabrication du vin : « Aucun additif œnologique ne peut se subsister complètement à son usage. » mentionne de nouveau l’Institut Français de la Vigne et du Vin. Transparence oblige, ce dernier prévient sur son site internet que le SO2 « demeure un produit toxique et dangereux qu’il convient de manipuler avec précaution. » Le vigneron Joël Antherieu se veut lui rassurant : « elles sont bien diminuées en agriculture biologique. » Il relève cependant quelques limites au nouveau cahier des charges européen. « C’est compliqué dans le sens où on peut être toujours plus restrictif. »

Extrait de la fiche technique Ecocert sur la vinification en agriculture biologique

Chargée de mission sur la vinification pour Sud Vin Bio, Valério Pladeau estime que « ces additifs sont très faibles comparés à ce qu’on peut trouver dans l’agroalimentaire en général », avant d’ajouter que « les restrictions ont été renforcées sur les intrants œnologiques depuis la mise en vigueur du règlement européen. » Elle reconnaît néanmoins que, dans l’esprit des consommateurs, vin bio est souvent synonyme de vin naturel, lequel n’a recours à aucun intrant.

Définis par l’Institut Français de la Vigne et du Vin comme « outils de maîtrise de la qualité finale des vins, notamment en termes de régularité », les intrants œnologiques doivent entrer en jeu. L’objectif de ces intrants vise directement à aider les viticulteurs à corriger, anticiper certains problèmes lors du processus de vinification. Sans eux, on obtient de vins dits « naturels », risquant alors de s’apparenter très fortement à du vinaigre. Ils sont en réalité indispensables dans le processus de fabrication d’un vin, qu’il soit bio ou conventionnel.

À ce titre, l’UE autorise l’usage de certaines substances et produits chimiques autorisés par la législation pour l’étape de la vinification, l’ensemble des opérations nécessaires à la transformation du moût, soit le jus de raisin non fermenté, en vin. La fiche technique consultable sur le site officiel d’Ecocert dresse ainsi le listing de ces intrants œnologiques à la disposition des viticulteurs pour la vinification en agriculture biologique.

Extrait de la fiche technique Ecocert sur la vinification en agriculture biologique

Une souplesse nécessaire selon les territoires ?

Appliquer de mêmes règles à l’échelle des terroirs si divers de l’UE ne va pas forcément de soi. D’un côté, il était nécessaire d’homogénéiser le cahier des charges à l’échelle européenne pour gagner en lisibilité et en simplicité, comme l’explique Loïc Papin, animateur-coordinateur pour l’association Civam Bio 34 : « Avant d’arriver à cette réglementation, il y a eu tout un travail préalable durant plusieurs années à propos du travail d’évaluation des pratiques des vignerons à travers toute l’Europe. »

Revers de la médaille : les viticulteurs ayant choisi la voie du bio doivent se conformer à des normes trop généralistes, oubliant les variables climatiques, environnementales des différents terroirs européens, ne serait-ce qu’en France où climats continentaux, océaniques, ou méditerranéens obligent la législation à s’adapter. Exemple : le climat humide environnant les vignobles alsaciens ou bourguignons ne requerra pas les mêmes intrants lors de la vinification qu’un vin fabriqué dans le Languedoc, où le climat est plus sec. Une équation complexe que reconnaît notamment Valérie Pladeau : « Si on avait régionalisé, on aurait pu être plus restrictifs selon les régions sur certains intrants. Mais l’idée est d’avoir un discours unique et clair pour tous les consommateurs européens. »

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à propos de l'auteur

Auteur : JÉRÉMY LOCHI

Clermontois d'origine, en piste pour une carrière dans le journalisme généraliste à défaut des pneumatiques. Mon amour pour l'univers radiophonique m'a mené à la fonction de rédacteur en chef des matinales de Radio Campus Montpellier. Passioné de sport, musique, voyages, accro à l'actualité, j'ose espérer partager une myriade d'ondes positives dans mes écrits. Twitter: @Lochi_J