Les Etats-Unis maîtres de l’humanitaire en Haïti

Par le 18 janvier 2010

En décidant de contrôler l’aéroport de Port au Prince, les Américains ont pris en charge la coordination de l’aide humanitaire en Haïti. Cette décision fait polémique puisque, entre le vendredi 15 janvier et le samedi 16 janvier, deux avions français n’ont pas pu atterrir dans la capitale haïtienne. Bien plus qu’un élan humanitaire, le secours d’Haïti semble être, pour les États-Unis, un enjeu politique.

Les USA contrôlent le ciel d’Haïti

Six jours après le séisme de magnitude 7 qui a frappé l’île d’Haïti, les Américains ont décidé de prendre en charge la coordination de l’aide humanitaire en prenant le contrôle de l’aéroport de Port au Prince. Barack Obama, qui avait annoncé qu’il était prêt à débourser sur le champ plus de 100 millions de Dollars pour venir en aide aux sinistrés, a également envoyé un porte-avion à propulsion nucléaire, l’USS Carl Vinson avec dix-neuf hélicoptères à son bord. Ce bâtiment naval servira notamment de base flottante pour les rotations des aides aériennes. De plus, depuis le weekend dernier, quelques 4 200 militaires américains sont sur la zone et 6 300 troupes supplémentaires sont attendues d’ici le début de cette semaine.

Des avions interdits d’atterrir

Les États-Unis, en mettant en place de tels dispositifs, ont la volonté de mettre fin à la situation chaotique du cheminement de l’aide humanitaire et d’endiguer les émeutes qui ne cessent de progresser chaque jour dans la capitale haïtienne. Le problème est, qu’entre le vendredi 15 janvier et le samedi 16 janvier, deux avions français n’ont pas pu atterrir sur le petit aéroport de Port au Prince par ordre des forces américaines qui ont privilégié l’atterrissage de leurs propres avions. Le premier avion français transportait un hôpital de campagne et l’autre était un avion-cargo affrété par Médecins Sans Frontières avec à son bord un hôpital chirurgical gonflable.

Si le secrétaire général de l’Elysée, Claude Guéant, sur le plateau d’Europe 1 a voulu éviter toute polémique en affirmant que la décision américaine «est tout à fait heureuse» , l’association Médecins Sans Frontières (MSF) émet des réserves. En effet, MSF a lancé, dimanche 17 janvier, un appel d’urgence en demandant que «les avions-cargos transportant du matériel médical et chirurgical d’urgence soient autorisés à atterrir en priorité à Port-au-Prince afin de soigner les milliers de blessés en attente d’opérations chirurgicales vitales.» Les médecins n’ont pas été les seuls à s’inquiéter de l’autoritarisme américain. Alain Joyandet, secrétaire d’État chargé de la Coopération et de la Francophonie avait dénoncé «un manque d’arbitrage ou de discernement» de la part des Américains.

Des intérêts colossaux pour les Américains

C’est sans véritable concertation internationale que les États-Unis ont pris la décision d’organiser à eux seuls la coordination de l’aide humanitaire. Plusieurs raisons peuvent expliquer cette démarche.

Tout d’abord, les États-Unis sont historiquement liés à Haïti. De 1915 à 1935, les Américains ont occupé l’île. Sous cette occupation, Haïti revint temporairement à la stabilité, mais au prix de révoltes sociales qui allaient favoriser l’arrivée au pouvoir des militaires. Washington mit en place un gouvernement soumis à ses volontés et s’engagea en contrepartie à fournir au pays une assistance politique et économique. Toutefois, rappelons qu’en 1918, les Américains réprimèrent dans le sang une révolte paysanne qui fit plus de 15 000 morts. L’hostilité de la population à l’égard de l’occupant progressa et conduisit finalement, en août 1934, au départ des Américains. Mais, la relation entre les deux États, et l’influence américaine ne s’est jamais véritablement éteinte. Si bien que plus d’un demi million d’Haïtiens résident actuellement aux États-Unis.

Mettre en place «l’une des plus grandes opérations de secours de l’histoire» est aussi un bon moyen pour les États-Unis de mettre entre parenthèse leur image expansionniste, la guerre en Irak et les conflits en Afghanistan. C’est aussi une méthode pour donner un second souffle à Barack Obama embarrassé par un prix Nobel de la paix qu’il ne peut pas vraiment assumer.

Enfin, les USA sont certainement les seuls à pouvoir mettre en œuvre une telle logistique. Ce qui fait d’eux les mieux placés pour organiser l’aide humanitaire.

En revanche, cette gestion autocratique ne doit pas engendrer des tensions avec les autres pays au risque de faire oublier le principal objectif : reconstruire Haïti.

Pour aller plus loin

www.wsws.org/francais/News/2010/jan2010/hait-j18.shtml

http://structures.ac-martinique.fr/cdi/pages/histoirhaiti.htm

http://www.humanite.fr/article2758879,2758879

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à propos de l'auteur

Auteur : Julien Segura

J’aurais pu écrire que journaliste est le métier que j’ai toujours rêvé de faire, que dans le ventre de ma mère je rigolais déjà devant les caricatures de Plantu, mais je n’aurais pas été vraiment honnête. En fait tel un grand cru de Bordeaux, ma passion pour ce métier s’est bonifiée avec le temps et de longues études universitaires. Après une Licence d’histoire préparée à l’Université Paul Valéry à Montpellier, j’intègre le Master 1 de Science Politique en 2008 et deux ans plus tard , un Master d’histoire en poche, je me retrouve dans la promotion 2010 du Master « métiers du journalisme ». L’idée et surtout l’envie de devenir journaliste se sont imposées à moi petit à petit, au fur et à mesure des rencontres et des stages effectués notamment en presse quotidienne régionale (Midi Libre, Midi Loisirs). Mais aujourd’hui une seule chose est sûre c’est que mon envie d’écrire, de décrypter le monde et d’assouvir ma curiosité est indissociable de mon envie d’exercer le métier de journaliste.