Les petites mains se rebiffent

Par le 13 janvier 2009

Travaillant sans relâche pour un salaire de misère, les ouvriers cambodgiens, appelés « petites mains du textile » manifestent leur mécontentement en chanson. Depuis 2005, certains racontent leurs conditions de vie et de travail devant un public militant et informé.

C’est en chœur et avec cœur que les petites mains chantent leur mal être: « Mon patron m’oblige à travailler tout le temps, je ne m’arrête jamais, maman. Je travaille et je ne sais plus s’il fait jour, s’il fait nuit. Je fais attention à mon salaire chaque mois mais après avoir payé le loyer, l’électricité, l’eau et la nourriture, il ne reste pas grand-chose. Et je vous l’envoie, à vous, ma famille [[».« Au Cambodge, des ouvrières du textile chantent leur quotidien », de Zineb Dryef sur www.Rue89.com, le 29 septembre 2008. Vidéo disponible sur le site internet.]]

Venant des zones rurales avoisinantes de la capitale, Phnom Penh, les ouvriers, majoritairement des femmes, s’entassent dans des maisons de fortune non loin de leur lieu de travail. Payées environ cinquante dollars par mois, certaines font des heures supplémentaires pour vingts dollars de plus. Mais après onze heures de travail par jour, certaines n’y pensent même plus.

Poussées par la pauvreté, elles quittent leur village natal pour aider leur famille à vivre voire même à survivre. L’une d’elle raconte son histoire à Zineb Dryef de Rue89, [[.« Cambodge : dans la cité-dortoir des exilées du textile », de Zineb Dryef sur www.Rue89.com, le 14 octobre 2008]]« Je travaille cinq jours par semaine de 6h30 à 17h30 dans une fabrique à quelques minutes de ma chambre. J’ai une pause-déjeuner d’une heure. J’achète des fruits au marché et je mange du riz que je fais cuire la veille. Le samedi, je ne travaille que le matin. Le dimanche, je dors, je regarde la télé et je lave mon linge. Je gagne cinquante dollars par mois. Je pourrais gagner vingt dollars de plus mais je suis trop fatiguée pour faire des heures supplémentaires. Quand j’ai payé mon loyer et envoyé de l’argent à ma famille, il me reste quinze dollars (soit un demi dollar par jour). Certains mois, j’emprunte de l’argent. »

Fatiguées de cette situation, les petites mains ont monté un groupe de musique en 2005 appelé Messenger Band. Plusieurs femmes se réunissent pour chanter des textes simples et réalistes. Soutenu par l’organisation non gouvernementale (ONG) de défense des droits des femmes, Womyn’s Agenda for Change, Messenger Band passe un message politique et social à travers le pays: endettement, prostitution, sida, violences conjugales, précarité sont les thèmes principaux de ces textes engagés.

Pendant que certaines chantent d’autres tentent de lutter à leur façon, non pas pour des conditions de travail meilleures, mais pour que leur usine ne ferme pas comme les ouvrières de l’usine Hytex dans le quartier Chak Angrè Krom en septembre 2008[[Cambodge : Occupation de l’usine textile Hytex contre la fermeture, « Cambodge Soir » du 13 septembre 2008]]. La direction a annoncé la fermeture provisoire de l’usine, mais les ouvrières savent que cette suspension n’est pas temporaire. D’après Om Savin, une représentante des ouvriers, le directeur d’origine malaisienne ne veut pas payer les salaires. C’est pour cette raison que les petites mains ont élu domicile dans l’usine pour éviter la délocalisation des machines. Depuis, les employés se tournent vers le gouvernement afin qu’il agisse en leur faveur et mette en place des réformes dans l’industrie du textile. De son côté l’organisation internationale du travail a déclaré dans un communiqué du 30 juin 2008, que « Les conditions de travail des employés du secteur textile restent bonnes, mais encore éloignées des standards internationaux ».

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à propos de l'auteur

Auteur : Céline Tabou

Passionnée par le journalisme depuis tellement longtemps que je finis pas ne plus me poser la question. J'ai fait un BAC SES, option Science Politique parce que c'était la voie à choisir, ensuite une Licence Information et Communication en 2003 parce qu'à cette époque la filière était la meilleur pour être journaliste. C'est à ce moment que mon affection pour la culture chinoises s'est accentuée en prenant chinois comme langue puis ethnologie, histoire de l'art, sociologie, en option. Ma licence en poche, je voulais continuer pour intégrer ce M2 mais pour cela je suis passé par un Master de Science du langage-section Recherche en Analyse du discours de presse écrite, qui m'a permise de dire adieu à mes fautes de syntaxe et à redoubler mon sens de l'analyse. Ce M2 a été l'aboutissement d'un parcours scolaire et universitaire orienté sur le métier de journaliste. Au cours de mes années universitaires, j'ai eu de nombreuses missions en tant que pigiste, rédactrice pour des sites d'information sur la Chine (ToutelaChine, IcilaChine, Chine-Information) mais également sur la photographie (Photophiles), l'Afrique (AfriquEchos, Mwinda). J'ai décidé d'ouvrir mon premier blog (Courrier International) lors de mon stage à Radio Chine Internationale en mars 2009 pour réunir tout les articles que j'ai écrit dans le passé, mais aussi dans le présent et à l'avenir. Malgré le grand nombre de connexions que j'ai eu avec ce blog, j'ai décidé de changer d'hébergeur afin d'avoir plus d'indépendance, en octobre 2009 a été ouvert http://celinetabou.wordpress.com Comme le précédent, il réunit tous mes articles mais aussi tout ce que j'aime sur la Chine, le Japon, l'Asie et l'Afrique.