Les yeux dans les Blue

Par le 18 novembre 2008

Mercredi 5 novembre. 19h30. Dans quelques minutes le Montpellier Agglomération Handball reçoit dans son antre de Bougnol l’équipe de Paris. Un derby haut en couleurs très attendu des supporters montpelliérains…

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Mascotte

Regard bleu, visage marqué et tendu, barbe de trois jours, l’homme déambule aux abords de la buvette de Bougnol, une bière dans une main, un hot dog mayonnaise dans l’autre. Malgré l’effervescence qui règne à quelques minutes du coup d’envoi, il reste concentré, presque stoïque. Ce soir et comme chaque soir de match depuis trois ans, il sera pendant un instant dans l’arène, au plus près de ses idoles, vêtu d’un costume de renard bleu, scruté par plus de 3 500 spectateurs. A la vie, Olivier est ambulancier à Lunel. Ce soir, il n’est pas de garde et puis même s’il l’était, il s’arrangerait de toute manière avec les collègues. En dix années, il n’a jamais raté un match à domicile. Sa première rencontre avec Bougnol, il ne l’a pas oublié : « C’était face à Sélestat pour le titre de Champion de France. On a gagné. Il m’a suffi d’un match, dans la foulée j’ai pris ma carte (des Blue Fox), tout est parti de là ». Les phrases sont courtes, il est pressé, c’est l’heure pour lui d’entrer en scène.

19h48. Les lumières s’éteignent, seul subsiste un projecteur. Sur le parquet, deux BMX se battent en duel. Après quelques figures, ils repartent comme ils sont venus, dans l’indifférence générale.
Les joueurs du Paris Handball entrent sur le terrain. Les hommes d’Olivier Girault, entraîneur du club de la capitale, sont accueillis par des applaudissements respectueux. Puis le silence. Un grondement monte de la tribune des Blue Fox. Comme un seul homme, le public se lève. Le premier à faire son apparition n’est pas un joueur mais un renard bleu et blanc, bras levés, haranguant la foule, et courant aux quatre coins du terrain. Olivier, si calme tout à l’heure, se met dans la peau de son personnage, un goupil surexcité prêt à faire bouger les foules. C’est au tour des joueurs de Montpellier de fouler le parquet. Un par un. Applaudissements en rafales. Les Blue Fox reprennent en cœur le nom de tous les handballeurs du MAHB qui, en guise de remerciements, saluent à leur tour leurs supporters. Les présentations faites, le match peut débuter.

Gérard, Karine et Rambo

Dans la tribune des supporters un autre match se déroule. Karine, arbore fièrement l’ancien maillot de Montpellier floqué du numéro 18, où s’entassent des signatures qui tentent tant bien que mal de résister aux multiples marques du temps. Son sandwich à la main, elle jure, harangue l’arbitre, les joueurs, son compagnon. Gérard, le président des Blue Fox, la cinquantaine, conserve précieusement le micro. Tout au long du match, il fera des commentaires sur les actions des joueurs à base d’onomatopées. A chaque but montpelliérain, il tend son précieux objet en direction de la tribune qui délivre d’une seule voix rocailleuse le nom du buteur.

Un peu plus bas dans les gradins, un homme trapu frappe avec obstination sur sa caisse claire. Son bandeau en travers du crâne n’est pas sans rappeler John Rambo. Ses attitudes guerrières prouvent que la bataille se joue autant sur le terrain que dans les tribunes. Sur le terrain justement, les choses ne se déroulent pas pour le mieux. Après un bon début de match, les joueurs de Montpellier se laissent endormir par le faux rythme imposé par les parisiens. Menés de trois points à la 18e (8-11), il faudra trois exploits de Stojinovic pour que les locaux retournent au vestiaire avec un seul but de retard (12-13).

« Le 9 »

Côté Blue Fox, le moral n’est pas au beau fixe. Olivier est dehors, il fume une cigarette. « Ils ont déjà la tête au match de Zurich, puis l’autre zouave (Ndlr Olivier Girault) qui arbitre à la place de l’arbitre… ». L’atmosphère est tendue. Olivier a troqué son costume de renard contre un maillot qui porte le nom de Greg Anquetil. Greg Anquetil ? «Il est plus là. Le 9 » explique Olivier, et poursuit : « C’est mon joueur préféré. Même s’il est parti, il reste très présent dans les mémoires ici. »

Guerre des nerfs

Coup de sifflet, c’est reparti. Le début de la seconde période est difficile pour les héraultais. Asphyxiée, dominée dans tous les compartiments du jeu, la défense locale ne parvient à contrer les coups de butoirs parisiens. Après six minutes de jeu, Paris Handball mène de cinq buts (16-21). Olivier suit le match, accroupi derrière la barrière au-dessus des loges. Les supporters se tiennent la tête, lancent quelques injures, accusent l’arbitre mais ne cessent de chanter, de pousser leurs joueurs.

Puis le miracle. Les montpelliérains reviennent dans le match, sous l’impulsion de Bojinovic. Menés de cinq buts, ils rejoignent bientôt les parisiens (23-23 à la 46e). Bougnol se lève, chante, danse. Le huitième joueur intervient alors. Les hommes de Girault ne peuvent plus lutter, et se retrouvent bientôt menés (29-26 à la 63e). Bougnol bouillonne comme un « chaudron », Gérard, Olivier, Karine, sont en transe.

Délivrance

La fin du match tourne à la démonstration montpelliéraine. Le score final 36 à 29 est lourd pour des parisiens qui n’auront pas démérité.
Au coup de sifflet final, fait rare, les hommes de Patrick Canayer, viennent remercier leurs supporters. L’image est belle, les joueurs s’amusent, le public exulte.

Troisième mi-temps

Comme à chaque fin de match, les Blue Fox se retrouvent dans leur local pour fêter la victoire. Olivier est là, un verre de whisky coca à la main. « S’ils jouent comme ça, ça va être la folie dimanche à Zurich ». Le MAHB devait rencontrer les Helvètes le week-end suivant, en Coupe d’Europe. Olivier ne fera pas partie des 70 Blue Fox qui feront le déplacement, il est de garde préfectorale. Les matchs de championnat, il aime, surtout contre Chambéry qui talonne de près Montpellier, et « la Coupe d’Europe me laisse des souvenirs extraordinaires ». Plus loquace qu’avant le début de la rencontre, il se souvient de la victoire de Montpellier en finale face à Pampelune en 2003. Battus de 8 buts en Espagne, les montpelliérains avaient rattrapé leur retard en marquant 13 buts de plus que les espagnols à domicile.

Nul besoin de préciser que pour les Blue Fox, Bougnol c’est leur seconde maison. Un gymnase qui a abrité et abrite toujours des moments inoubliables. Pourvu que cela dure avec la salle en construction de 12.000 places prévue pour l’an prochain. Rien n’est moins sûr.

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Interview – Gérard Didier

« Une telle ambiance à Bougnol, c’est exceptionnel ! »

Gérard, le président des blue Fox, ne boudait pas son plaisir à l’issu de la rencontre. Cependant, il ne cache pas son inquiétude sur l’avenir du groupe de supporter.

« Le 8ème homme a joué un rôle déterminant dans cette victoire et les joueurs ne s’y sont pas trompés en nous saluant à la fin du match » lâche Gérard, sourire aux lèvres et coupe de champagne à la main. Gérard, c’est le meneur des Blue fox, celui qui « donne le la » comme il dit. Une heure durant, cet informaticien à la cinquantaine passée a chanté, sauté, crié, protesté, sifflé, harangué ses troupes avant d’exulter au coup de sifflet final pour une victoire qu’il attribue, « en partie bien sûr », au public de Bougnol.

« Voir une telle ambiance ici c’est rare, très rare » souligne-t-il d’une voix qui porte encore les stigmates de ses encouragements, aussi soutenus que passionnés. « En France il n’y a pas de vraie culture du handball comme on peut la rencontrer en Allemagne ou en Espagne. Mais je peux vous dire que depuis 1997, quand j’ai repris la présidence des Bleu fox, chaque saison on s’améliore et on l’a prouvé ce soir » explique-t-il comme pour mieux s’en convaincre.

Et c’est les tympans des spectateurs qui en font les frais après une heure de tintamarre non-stop, durant lesquels tambours et trompettes ont appuyé les chants des supporters, dont certains s’arment même de boules quiès !

Entre deux bises aux joueurs du MHRB qui rentrent un a un au vestiaire, Gérard ne cède pas pour autant à l’euphorie : « le problème, c’est que nous, le noyau dur des Blue fox, on n’est plus tout jeunes vous savez, et la relève se fait attendre » tempère-t-il. « Alors on compte beaucoup sur vous, les étudiants, pour venir remplir bougnol et donner de la voix ». Promis, on reviendra…

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à propos de l'auteur

Auteur : Fanny Bessière

Native de la région parisienne, j'ai suivi le plus gros de ma scolarité à Paris. Un bac ES en poche, un petit tour en prépa hypokhâgne au lycée Chaptal (Paris), puis s'en va à la Sorbonne pour suivre des études de Lettres Modernes ( Deug et Licence). Ensuite trajectoire classique d'un parisien oblige, direction le sud et plus précisément Montpellier pour y suivre des études de sciences politiques (licence 3, Master 1) et actuellement en Master 2 de journalisme. Depuis deux ans je suis passée lors de différents stages par plusieurs rédactions et médias : Libération, Midi Libre ( la locale et la région), 7l tv, M6 ( à Paris), et le Montpellier Plus, un quotidien gratuit d'information où je suis actuellement pigiste.