Un potier marginal se retire en terre d’Hérault

Par le 23 décembre 2007
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Son garage abrite une ancienne chapelle à Saint-Jean-de-Fos. Sur l’avenue du Monument aux Morts, bordée de platanes couleur safran, le potier Mathieu Duval s’est trouvé un havre de paix. Son atelier, Le Corbeau Bleu, projette une lumière chaleureuse sur l’allée déserte où souffle un vent glacial. On a envie de s’y réfugier. A l’intérieur, des photophores en terre cuite se balancent dans l’air, suspendus à un fil. L’artiste expose ses dernières pièces sur des plaques en bois. Pas unes ne se ressemblent. Une véritable caverne d’Ali Baba. Ici et là s’entreposent coupes, boîtes, cendriers, tasses, théières et jeu d’échecs. Une fontaine aux têtes de dragon interpelle le regard. Les monstres aux gueules béantes s’apprêtent à recevoir le filet d’eau, toutes dents dehors. Derrière l’étagère, des pièces cuisent dans le four. Il faut bien suivre les vis le long du parquet pour atteindre le plan de travail sans faire trembler la machine. Le faïencier pétrit l’argile rouge. Il ignore encore quelle forme elle prendra. Les résidus collent au sol, et renvoient un doux reflet cuivré. Il s’installe ensuite devant le tour ; pendant dix minutes, la pâte se modèle sous ses mains. « La terre concentre les quatre éléments à la fois. Elle a quelque chose de magique. » Mathieu verse de l’eau sur la boule rouge, et la rend ainsi malléable. Cette étape terminée, le modèle sèche à l’air libre. Il cuit une première fois avant que son inventeur ne le colore. Le travail des émaux parait complexe. Une histoire de réactions chimiques, semble t-il. Peu importe, cela ne le décourage pas. Il se rappelle des cours de science, sur les bancs du lycée. Il ne reste plus qu’à plonger l’œuvre d’art dans le four pour la deuxième tournée. Et le résultat est là… Ou pas. Les pots cassés atterrissent au même endroit et demeurent bien en vue, comme pour un rappel à l’ordre.

Ni feuille, ni raisin.

Ce curieux personnage s’est installé dans le lieu qu’il appelle « ma grotte » depuis juin 2006. Habitant à 5 km de là, il se rend chaque jour en stop au village. Ses confrères l’ont enfin accepté. Entre eux, la concurrence est rude. Saint-Jean-de-Fos est réputé pour sa poterie traditionnelle. Désertée l’hiver, la commune accueille durant la période estivale Anglais, Allemands et Hollandais. En sillonnant les ruelles, les pancartes de potiers se succèdent. Aucun autre commerce à l’horizon. Mais le petit jeune du patelin, comme le surnomment les autres, n’a pas à s’en faire. Ses œuvres sont différentes. Ni feuille de vigne, ni grappe de raisin ne les décorent. Toutes sont originales et uniques. « Une pièce a son histoire. Je travaille beaucoup sur le côté instinctif. » Depuis le début, cet autodidacte tourne le dos à la reproduction en série. Il commence dès l’âge de 15 ans à suivre des cours de poterie à Paris. Ca fait 10 ans qu’il est dans le métier. Sa marque de fabrique ? Le photophore. Sur une musique du groupe General Electric, la tension est à son comble. « Ca réveille la machine qui est en moi », murmure t-il dans un sourire. La matière reste encore molle. Le geste précis et l’œil concentré, il manie le scalpel avec une adresse redoutable. Un travail d’orfèvre.
Finalement, cet homme solitaire a eu raison de quitter la capitale. Ici, au calme, il prend le temps de laisser libre court à son imagination, pour son plaisir. Juste pour le plaisir.

Atelier Le Corbeau Bleu,
21 rue du Monument aux Morts,
34 150 St Jean de Fos

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